Interview de Corinne Lepage dans OUEST-FRANCE

Corinne Lepage, vice-présidente du Mouvement Démocrate, était interviewée le 16 octobre par Edouard Maret pour Ouest-France. Elle aborde en particulier le lien entre le développement durable et l'éthique universelle pour la paix et la sécurité, le coût des matières premières, l'impact de la crise financière, ... (Lire la suite)

 

Quel lien faites-vous entre développement durable et éthique universelle pour la paix et la sécurité ?

Les risques climatiques et la pénurie de ressources jointes à la crise alimentaire et à la croissance des inégalités, tout cela, appartenant au développement durable - qui n'est pas que de l'environnement, contrairement à ce que l'on croit généralement - fait qu'il y a une véritable menace pour la paix dans le monde.
Car les États ont tendance à se recroqueviller pour assurer le minimum de la sécurité alimentaire et énergétique. Avec l'idée de développement durable, il s'agit de trouver, au-delà des différences, ce qui rapproche tous les hommes et les femmes.

Quand on parle de partage entre les États, sommes-nous prêts à accepter de donner aux autres, à ceux qui, dans vingt ans, seront 50 % de plus ?

Non. La grande difficulté est que les Occidentaux sont nombreux à ne pas se rendre compte qu'il ne s'agit pas seulement  d'une question d'éthique et de générosité. C'est une question d'intérêts. Les réfugiés climatiques pourraient être 250 millions dans les vingt ou trente ans à venir : le fait de leur permettre de pouvoir vivre dans leur lieu de naissance n'est pas sans
intérêt... Y compris pour eux-mêmes !

Le coût des matières premières ainsi que les conditions climatiques sont-ils, selon vous, à l'origine de tensions qui ne pourraient que croître à l'avenir ?

C'est pour cela qu'il faut avoir présent à l'esprit que les sujets de développement durable sont aussi des sujets de gouvernance, à la fois nationale et internationale. La pression sur les ressources et les risques de pénurie peuvent laisser supposer que, si les systèmes démocratiques ne sont pas efficients, il faudra des systèmes autoritaires. Donc, il y aura menace pour
les libertés publiques. S'ajoutent des menaces de guerre pour garder un accès à l'eau ou à d'autres ressources énergétiques essentielles.

Après la secousse financière et le glissement de la plaque sur laquelle ils se sont enfoncés, les USA auront-ils le même poids, à l'avenir, dans un contexte de mondialisation ?

Non, je crois que nous sommes entrés dans un monde multipolaire. La crise financière actuelle a bien des points communs avec la crise écologique. Par exemple, ses causes qui tiennent à un manque de responsabilité et à un rapport au temps qui est totalement faux. Nous sommes devenus une société de l'immédiateté. C'est ce qui a largement entraîné la crise financière
d'aujourd'hui et c'est ce qui est à l'origine de la crise climatique et écologique que nous vivons. Par ailleurs, l'hypercapitalisme financier, qui a dominé les trente dernières années, est à l'origine d'un non-développement d'une économie durable.

Quelles premières leçons tirez-vous de la crise qui secoue la planète économique ?

Nous pourrions utiliser cette crise pour imaginer une troisième révolution industrielle afin de trouver des réponses à la fois aux enjeux sociaux et environnementaux. Mais je ne suis pas certaine que nous pourrons y arriver avec l'organisation du monde actuel.

Vous êtes donc pessimiste ?

Non, dubitative.


Propos recueillis par Édouard MARET (Ouest-France)

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